Mes débuts

Publié le par Titectec

Avant d'être professeure des écoles :

  • au niveau formation : j'ai fait 2 années d'IUFM (institut universitaire de formation des maîtres, aujourd'hui remplacé par l'ESPE).
  • expériences professionnelles :

- dans le cadre de ma formation, j'ai fait des stages d'observation en école,

- j'ai fait quelques remplacements en IME (institut médico-éducatif),

- j'ai encadré des élèves sur le temps de midi dans une école privée,

- j'ai travaillé en tant qu'animatrice l'été pour la mairie.

Ma carrière en tant que professeur des écoles commence le 24/09/2007

Situation familiale: sans enfant, pacsée (avec mon futur mari), nous vivions ensemble.

* le vendredi 21/09/2007
  • je reçois un coup de fil pour m'annoncer que je commence la classe dans 3 jours à 117 km soit à 1h22 de là où je vis. Je suis prise sur la liste complémentaire.

( liste complémentaire: ça signifie qu'on a passé le concours de professeur des écoles, qu'on n'est pas reçu au concours sur la liste principale mais comme on a des besoins sur le terrain, on vous y envoie directement. Vous avez droit durant votre année sur le terrain à quelques jours de formation et on vous surveille de loin, de très loin...)

  • je précise que je n'ai pas le permis.

Réponse logique de l'éducation nationale: on vous met sur un poste de brigade (brigade = remplaçante sur un secteur soit sur une circonscription).
  • j'ajoute que je n'ai pas d'expérience en maternelle, si c'était possible de ne pas commencer par ce niveau car je ne me sens pas à l'aise.
Réponse logique de l'éducation nationale: on vous met en MS/GS donc en maternelle.
  • à l'annonce du poste à 117 km de chez moi (où je vis avec mon compagnon depuis 6 ans), je leur dis comment vais-je faire, c'est un peu loin.
Réponse logique de l'éducation nationale: ce n'est pas leur problème. A moi de trouver à me loger et à me déplacer dans 3 jours (pour lundi!). Tout de même, j'ai droit à un petit conseil: prendre contact au plus vite avec mon IEN (inspection d'éducation nationale), la secrétaire pourra peut être m'aider à trouver à me loger et surtout me donner des renseignements sur mon nouveau poste.
* le lundi 24/09/2007

Me voici, devant les élèves, en MS/GS, à 117 km de chez moi. Il y a 3 jours, j'étais inscrite en Master 2 en Sciences de l'Education (en recherche), et là, je suis devant une vingtaine d'élèves.

  • du point de vue logistique : la secrétaire m'a trouvé une chambre au-dessus de l'inspection, avec une cuisine et WC en commun avec les locataires de l'étage (ce n'est pas un logement de fonction, je paie un loyer). Pour me déplacer, je prends les transports en commun (il y en a 2 par heure).
  • du point de vue professionnel, je remplace quelqu'un en congé maternité. Les collègues (au nombre de 2) sachant qu'il y allait y avoir une remplaçante sur un temps long, lors de la répartition, elles ont mis tous les élèves "violents" et difficiles ensemble dans la même classe.

Je l'ai très vite compris.

Bien sûr, une classe sans assistante maternelle à plein temps, car les autres collègues en avaient besoin...

Anecdotes sur cette 1ère classe:

- je repartais avec des bleus : il y en avait un qui me frappait, il escaladait le mobilier. J'ai évidemment demandé de l'aide auprès de mes collègues (j'aurai préféré parler à un mur, elles me faisaient comprendre que c'était moi qui était une incapable et qu'en même temps ce n'était pas leur problème), puis auprès du conseiller pédagogique (il m'a proposé d'ignorer l'élève, le jour où je l'ai fait, il est tombé, résultat gencive en sang...

- mes élèves étant tellement violents, je sortais seule en récréation avec eux (donc pas de pause pipi pour moi). Un jour, pendant que je m'occupais du lacet d'un élève, un autre escalada le muret de la cours et s'enfuit dans la forêt voisine. Une fugue à 5 ans ! Je lui hurle de revenir! Bien sûr il n'écoute pas, je ne peux pas le poursuivre car j'ai le reste de la classe dans la cours. Je les réunis, et j'appelle dans l'école quelqu'un de disponible pour les garder. Et me voici en train d'escalader un muret à la poursuite d'un de mes élèves... Résultats de cette aventure : j'étais désespérée, ces élèves étaient sans limites.

- lors des répétitions pour le spectacle de Noël, ma classe n'a pas été convié car trop difficile. J'en ai eu mal au cœur car c'était vrai... mais les élèves n'étaient pas tous infectes et ceux qui l'étaient ce n'était pas de leur faute... Ce sont des enfants avant tout.

- l'inspecteur s'est déplacé pour voir ma classe, suite à plusieurs équipes éducatives, sa conclusion entre les lignes : "laisser couler, on ne peut rien faire".

- puis, une fois le conseiller pédagogique m'a demandé de me ménager. Je me suis arrêtée pour me reposer et prendre du recul. C'était mon premier poste, je prenais les choses très à cœur, il fallait que je mette de la distance entre mon travail et mes sentiments car sinon, dans les cas comme celui-ci, ça vous tue de l'intérieur et ça vous hante.

- j'ai eu, donc, moi-même une remplaçante, pour une semaine. Cette dernière a eu l'idée de leur faire utiliser des poinçons. Mon Dieu ! Evidemment, il y en a un qui a planté son outil dans la main de l'autre (sans gravité heureusement !).

- un jour, j'ai fait classe alors que mes collègues faisaient grève. Personnellement, je n'ai pas fait grève non parce que je ne partage pas le motif mais pour une question financière car j'ai à ma charge deux loyers et beaucoup de frais de transport. Du coup, me voilà dans l'école (seule enseignante), avec mes élèves et les assistantes maternelles de l'école. Toute la journée se passe bien et à 15h55 ( à 5 min de la fin de la classe), un élève pousse un autre élève contre une des étagères. L'élève hurle et pose la main sur sa tête. Et là, je vois beaucoup de sang sur sa main... Apeurés, les autres élèves reculent vers le tableau. Je crie à l'aide (car ma classe est au bout de l'école, et les assistantes maternelles sont dans le bureau). Je compresse avec un tissu que j'ai trouvé au hasard. Je donne les consignes en compressant à une assistante maternelle : appeler les secours, les parents et revenir surveiller les élèves puis les faire sortir...

C'était la première et dernière fois que je restais seule dans une école (en tant qu'enseignante) lorsque les autres font grève.

Si d'autres anecdotes me reviennent en mémoire sur cette classe, je compléterai...

4 mois d'enfer qui ont pris fin.

Je pensais avoir vu le pire de ma carrière.

Puis, le reste de l'année, j'ai été amené à faire des remplacements courts. Et j'ai terminé l'année par un super remplacement, en maternelle, avec 2 super collègues et des élèves super.

Petites anecdotes sur le reste de l'année:

- pour me permettre d'arriver à l'heure sur mes remplacements, la secrétaire m'a proposé de m'appeler sur mon téléphone personnel pour que je puisse prendre la bonne ligne de bus le matin. Parfois, elle ne pouvait anticiper, donc quand j'étais prévenue le matin même, je devais commander un taxi (à ma charge, bien sûr, pour pouvoir faire mon travail).

- une fois, j'ai été envoyé pour une demi-journée dans une classe de CM1. J'arrive, je regarde sur le bureau les notes de l'enseignant : programme de l'après-midi, expériences scientifiques, sujet : démontrer le caractère pesant de l'air, à faire pendant 1h30 puis des problèmes mathématiques. Sur le coup, j'hallucine ! L'enseignant laisse une consigne, sans fiche, sans livre... à moi en 15 min de créer une séance d'1h30 (sujet que je n'ai jamais enseigné et sujet très précis). Je me suis dirigée sur internet pour me mettre un minimum au point... Improvisation totale!

- une autre fois, je suis arrivée dans une école où chaque instit avait son micro-onde dans sa classe car elles ne pouvaient plus se voir... un truc incroyable ! Du coup, je débarque dans cette école, ne voulant pas froisser personne, j'ai mangé avec les assistantes maternelles très surprises de mon choix.

Surprises les assistantes maternelles car dans beaucoup d'écoles (je pense pour se protéger) les enseignantes mettent de la distance entre elles et les assistantes maternelles. Elles ne se mélangent pas à la pause, les relations restent strictement professionnelles. J'ai vu des enseignantes traitées les ASTEM comme des moins-que-rien : l'instit qui fait faire de la peinture aux élèves sur une feuille au sol (sans protéger le sol), résultat :l 'assistante maternelle à genoux en train de frotter pendant la récréation (pendant que l'enseignante boit le café). Le jour où j'ai assisté à cette scène, j'ai eu un pincement au cœur car cette femme à genoux pourrait être ma mère (ma mère était assistante maternelle durant une période brève de sa vie). Evidemment, je lui ai apporté mon aide qu'au départ elle refusa par gêne puis j'ai engagé la discussion en lui parlant de ma mère, et tout en discutant nous avons nettoyé. Pour moi c'est un manque de respect !

Pour ma part, chacune fait son boulot dans la détente et le plaisir. Entre-deux consignes, je fais une petite plaisanterie. A la pause, si elle m'apporte le café, je lui apporte les chocolats...

J'ai écrit dans "beaucoup d'écoles", j'aurais peut être dû préciser que c'est surtout dans les écoles où je suis allée les 2 premières années, là oui je l'ai souvent vu. Je ne pense pas que c'est une généralité, je pense que je suis tombée sur les mauvaises écoles.

- une autre fois, je suis arrivée dans une classe de GS avec 34 élèves (- de 10 filles, donc beaucoup de garçons). La directrice m'accueille et me demande mon statut, je lui dis que je suis "une liste complémentaire"... elle est furieuse car elle avait demandé à l'inspection "pas de liste complémentaire dans son école"... je suis perplexe et je tente de la rassurer... et je précise que ce n'est pas ma 1ère classe. Je fais ma classe. Puis, quelques temps après, la directrice me confie, qu'avant moi, une liste complémentaire est venue, c'était sa 1ère classe, elle n'avait eu aucune expérience auparavant de l'école, elle n'avait jamais remis les pieds dans une école depuis plus de 30 ans. Du coup, cette remplaçante sans expérience a été très vite perdue, elle ne connaissait pas les bases : le cahier d'appel, les rituels...rien... ce qui explique son amertume contre "les listes complémentaires".

L'éducation nationale envoie des gens qui n'ont aucune expérience devant les élèves, parfois ça passe parfois ça casse!

En outre, sur ce remplacement, j'ai fait une rencontre inoubliable : un élève précoce (GS, il a 5 ans). J'admirais ce petit garçon. J'ai souhaité qu'il est un rôle à jouer dans la classe, un rôle qui lui donne des responsabilités dans son apprentissage sans le pointer du doigt par ses camarades. Chaque jour, je lui proposais le même travail que les autres, mais ensuite dans un casier il avait à sa disposition du travail adapté (il savait lire comme un adulte, mettre les intonations, résoudre des problèmes avec des multiplications, des divisions... sans connaitre la procédure posée, au niveau culturel : il en savait plus que moi).

J'ai discuté avec ses parents, je voulais comprendre pourquoi il était dans cette classe. Cet élève était en GS alors qu'il avait un niveau CM1. J'ai fait des recherches, il existait dans notre département une classe pour lui mais elle était à 117 km. Les parents ont fait le choix d'une scolarité "normale". Ils ne souhaitent pas de passage anticipé. Ils souhaitent qu'il soit avec les enfants de son âge. C'est un choix que je respecte, d'autant que cet élève est à l'aise à l'école et avec ses copains, du point de vue de la maturité, il a celui d'un enfant de son âge.

(Aujourd'hui, je repense souvent à lui depuis que j'ai mon premier tectec).

- ma chambre, plusieurs anecdotes :

  • les logements étaient destinés aux enseignants qui comme moi n'avaient pas d'autre choix que de dormir là. Il s'est avéré que deux fois mes voisins de palier m'ont volé mes courses. Il a fallu que j'aille porter plainte auprès du propriétaire (la mairie, pour que ça cesse). Ce qui était vraiment abusé car contrairement aux autres, c'était une galère pour moi d'aller faire mes courses puisque je devais prendre 2 bus.
  • même si là où je dormais, il y avait que des enseignants, c'était chacun pour soit. "Tu bosses dans la même école que moi, rien à cirer, marche à pied pendant que je roule en Audi"... Voilà l'état d'esprit!
  • j'ai mangé des sardines à l'huile, des haricots verts et des nouilles déshydratées pendant une année.
  • je rentrais à la chambre, je bossais mes cours jusqu'à pas d'heure. Je mangeais vite fait, je dormais et puis transport en commun, je faisais classe et je recommençais... Je ne voyais personne à part mon compagnon le weekend car pas de temps libre et j'étais épuisée.

Pendant un an, j'étais en dehors du temps. Je ne sais pas ce qu'il y a eu dans le monde. Je n'ai fait que préparer des cours et me nourrir un minimum pour survivre...

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article